Résumés

Jour 1 - mercredi 12 février

 

Olivier Venture : « L’oralité et les discours dans les sources épigraphiques des Shang et des Zhou »

Les sources épigraphiques des Shang et des Zhou constituent de précieux témoignages originaux sur l’usage de l’écriture dans la Chine antique. Mais celles-ci contiennent également de nombreuses références à l’oralité. C’est ainsi que des discours des rois des Zhou ou de grands aristocrates du premier millénaire avant notre ère ont été conservés jusqu’à nos jours. Dans le cadre de cette communication, on s’attachera plus particulièrement à ces mentions pour essayer de comprendre leur place et leur fonction au sein des pratiques épigraphiques des Shang et des Zhou.

 

Judicaël Périgois : « Les discours dans les documents de type shu »

Le Classique des Documents aussi appelé Shangshu (Documents Vénérables) est une compilation de textes historiques parmi les plus anciens de la littérature chinoise transmise. Les chapitres de ce classique se présentent, la plupart du temps, sous la forme de discours prononcés par les sages rois de l’Antiquité chinoise accompagnés parfois de quelques éléments narratifs. Cette compilation a été canonisée lors de la dynastie des Han et est donc l’un des Cinq Classiques chinois. Des textes ressemblant fortement à ceux du Classique des Documents peuvent également se retrouver dans le Yizhoushu (Documents des Zhou mis de côté), une compilation de textes qui, selon la tradition, auraient été délaissés par Confucius lors de la composition du Classique des Documents. De nombreux textes des Royaumes Combattants ressemblant à des chapitres de ces deux collections ont été découverts ces dernières années. Ils composent ainsi ce qu’on peut appeler document de type shu. L’analyse de la place du discours dans ces textes nous permet de reconsidérer l’origine de ce genre littéraire, d’en donner une définition tout en étudiant la fonction de ces discours.

 

Daniel Morgan : « Travail collectif et débat public : les différences dans l’arbitrage de la politique scientifique entre les dynasties du Nord et celles du Sud »

Avant l’avènement de l’Empire, les souverains chinois avaient déjà commencé à poursuivre une politique astronomique, à l’instar des rois sages, visant à « observer les signes et octroyer les saisons ». Mais comment décideriez-vous, si vous étiez empereur, du meilleur système de concepts, de constantes et d’algorithmes pour prédire les éclipses et les positions des planètes ? Certains, à l’image de Yao 堯, ont confié ce choix aux professionnels du Bureau d’astronomie. Cependant, Christopher Cullen et Chen Meidong nous rappellent que, sous les Han (206 av. J.-C.~220 apr. J.-C.), la plupart des experts provenaient d’ailleurs, et qu’un grand nombre de réformes ont été décidées dans le cadre d’un yi 議 – une sorte de débat ou « parlement », souvent ouvert aux « cent fonctionnaires » 百官 et qualifié d’« équitable » 平, dont plusieurs transcriptions sont conservées dans les histoires dynastiques. Cette communication vise à explorer l’articulation entre le débat public et oral sur la politique scientifique de l’État et d’autres formes d’arbitrage. Je montrerai d’abord que les Wei du Nord (386-534) ont adopté une nouvelle stratégie pour établir un consensus : le recrutement de la quasi-totalité des experts au sein d’un comité de réforme, afin qu’ils expriment leurs différends en interne – et en amont – avant d’arriver ensemble à une solution unique. Cela met en lumière les enjeux du yi sous les Han et les dynasties du Sud qui ont perpétué cette pratique : dans la plupart des cas, le recours aux « parlements » se fait lors d’un conflit de valeurs entre innovation scientifique et tradition – surtout celle des Classiques confucéens – avant que la première ne soit canonisée en tant que symbole de l’État.

 

Laetitia Chhiv : La fine fleur des héritiers du Maître : les dialogues entre Confucius et ses disciples inscrits sur le miroir exhumé dans la tombe du marquis de Haihun (env. 59 av. n. è.)

Liu He 劉賀 (92-59 av. n. è.), l’un des petits-fils de l’empereur Wu des Han (r. 141-87 av. n. è.), accéda au trône en l’an 74 avant notre ère, puis en fut destitué après 27 jours de règne seulement. Accusé d’impiété, de débauche et de multiples excès d’inconduite, il fut renvoyé dans sa contrée natale de Changyi 昌邑 (province du Shandong). Quelques années plus tard, il fut déchu au rang de marquis (hou 侯) et se vit accorder le lointain fief de Haihun 海昏, près de l’actuelle ville de Nanchang (province du Jiangxi). C’est là que fut découverte en 2011 sa tombe, d’une taille considérable et d’une richesse exceptionnelle. Parmi le matériel funéraire se trouve une pièce en bois laqué, qui servait probablement de miroir sur pied et au dos de laquelle sont peints les portraits de Confucius et de cinq de ses fameux disciples, chaque représentation iconographique étant accompagnée d’une biographie. Ces biographies, qui mêlent narration et dialogues, présentent des analogies avec le chapitre dédié aux disciples de Confucius dans les Mémoires historiques (Shiji 史記) de Sima Qian 司馬遷 (145-86 av. n. è.), mais en diffèrent néanmoins, notamment dans le choix des anecdotes exemplifiant le caractère de chaque personnage et sa relation avec le maître. Nous proposons dans cette communication de comparer les inscriptions figurant sur l’objet exhumé au chapitre de l’historien des Han. Ces écrits quasi contemporains se réfèrent-ils à des sources communes, malgré les contrastes dont ils témoignent ? Quels choix éditoriaux ont pu influencer leur composition ? Comment interpréter les textes inscrits sur le miroir au regard de leur contexte archéologique spécifique et du contexte historique plus général de l’empire chinois du ier siècle avant notre ère ?

 

Béatrice L’Haridon : Les comptines chantées par les enfants dans l’historiographie de la Chine ancienne et médiévale

Si les textes historiques rapportent avant tout des discours attribués à de puissants personnages, grands ministres, stratèges, conseillers, il arrive parfois que soient rapportés des propos anonymes, souvent des comptines (yao 謠) proférées, ou chantonnées, par des enfants (tong 童). Nous tenterons d’en décrire tout d’abord les caractéristiques (brièveté, usage de la rime, langage codé) puis d’en étudier l’ancrage narratif et le rôle idéologique dans l’historiographie de la Chine ancienne et médiévale.

 

Maxime Ferbus : « Les citations des Odes dans les annales dynastiques des Han »

Les Odes (Shi 詩) sont citées quelques dizaines de fois dans les discours rapportés du Han shu et du Hou Han shu. On peut aborder ces citations de deux manières différentes : en tentant de les rattacher à l'une des quatre grandes traditions textuelles des Odes (traditions de Lu, de Qi, de Han et de Mao), dont seule la dernière s'est véritablement transmise jusqu'à nous, ou en précisant la valeur argumentative de ces citations dans les discours où elles figurent. Du point de vue de l'histoire textuelle, on se demandera donc si les citations des Odes dans les annales dynastiques des Han nous renseignent sur les trois traditions perdues ; du point de vue de la rhétorique, on éclaircira les liens entre les interprétations consacrées de ces poèmes et les formes de l'argumentation indirecte.

 

 

Jour 2 - jeudi 13 février

 

Adrien Dupuis : « L'utilisation du discours dans l'historiographie khitan à la fin du XIe siècle »

L’Histoire des Liao (Liaoshi) se distingue des autres histoires officielles par sa quasi-absence de prises de parole, de citations d’édit et de dialogues. Une telle pauvreté trahit les idées qui ont accompagné la rédaction des chroniques officielles à la fin du xie siècle. À cause d’une historiographie qui a donné peu de place à la notation des paroles (jiyan 記言), les empereurs apparaissent muets et exclus des débats, tandis que les traîtres, eux, sont les plus bavards. Seul Yelü Wuzhi 耶律屋質 parle plus qu’il n’agit. Il est présenté comme le principal négociateur dans la crise politique qui secoua l’empire en 947. Mentionnée dans aucune autre source, la figure de Wuzhi dans l’Histoire des Liao a été artificiellement élaborée. Elle a permis aux historiographes du xie siècle de maquiller le coup d’État qui a été mené par l’ancêtre de la maison impériale en succession légitime.

 

Emanuela Garatti : « Les traités de paix sino-tibétains entre 706 et 822. Discours officiels, cérémonies, vocabulaire, et contenu d’après les sources textuelles chinoises et les sources épigraphiques tibétaines »

L'émergence de l'Empire tibétain au début du VIIe siècle de notre ère, a bouleversé l'équilibre international et créé un scénario géopolitique particulièrement turbulent en Asie. Ce contexte, ainsi que la puissance militaire de l'empire tibétain ont eu un impact considérable sur les relations diplomatiques que la cour impériale tibétaine (circa 630-842) et la cour chinoise de la dynastie Tang (618-907) ont établies et entretenu tout au long de leur histoire. Au milieu des l’antagonisme militaires qui a marqué les relations entre les deux empires, les cours tibétaines et chinoises ont réussi à poursuivre des échanges diplomatiques intenses, qui ont abouti, entre autres, à la conclusion de 7 traités de paix signés entre 706 et 822. Le nombre particulièrement élevé de ces accords de paix - le plus élevé pour les deux cours - est significatif pour comprendre l'évolution des relations sino-tibétaines et plus généralement la situation des relations internationales en Asie à l’époque.

Après avoir brièvement présenté les circonstances historiques qui ont conduit à la signature des différents traités de paix, cette communication propose d'analyser les textes de ces traités, qui se trouvent dans diverses sources textuelles chinoises (notamment les Tangshu et le Cefu yuangui) et les sources épigraphiques tibétaines (comme la stèle du traité de paix de 822). Cette analyse permet non seulement d'étudier le langage utilisé dans les textes des traités et les descriptions des cérémonies qui les accompagnaient, mais aussi les clauses et les termes fixés par les deux parties et d'observer l'évolution du discours officiel de la cour des Tang dans ses échanges diplomatiques avec la cour tibétaine. Une attention particulière est accordée au traité de 822, dernier accord de paix entre les deux empires, dont le texte existe dans une rare version bilingue, chinoise et tibétaine, conservée dans les sources textuelles chinoises mais et sur un document épigraphique encore présent à Lhasa.

 

Marianne Bujard : « Dialogues interrompus ; quelques exemples tirés du Hanshu et du Hou Han shu »

La forme du dialogue entre le souverain et ses conseillers ou ses proches permet à l’historien de suggérer des changements décisifs dans l’art de gouverner sans avoir recours à de longs développements. En puisant dans le bagage littéraire commun, il manie l’allusion et l’analogie afin d’enrichir son récit d’un sens que le lecteur doit élucider. Nous tenterons d’éclairer quelques-uns de ces dialogues.

 

 

 

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